Originaire de Manawan, de la nation Atikamekw, Gilbert est facilitateur à la vie étudiante autochtone au Collège depuis le début du mois de novembre 2019.
Parallèlement, il étudie à l’Université de Montréal dans le cadre du certificat en Toxicomanies: prévention et réadaptation. Il a également complété un certificat en Intervention psychosociale, à l’UQAM. Il s’implique beaucoup et depuis longtemps dans les milieux autochtones, autant dans les régions urbaines que dans sa communauté, plus particulièrement dans le domaine de l’éducation et de la santé. Il a à cœur la transmission des valeurs et des savoirs culturels atikamekw.
Son mandat et ses responsabilités au Collège consistent à bonifier la sécurité culturelle des étudiant(e)s des Premières Nations et Inuit, notamment en veillant à leur accueil, en écoutant leurs besoins, en les soutenant dans leur réussite scolaire et en facilitant leur accès à toutes les ressources disponibles dans le Collège. En équipe, il travaillera également à renforcer les relations entre les Autochtones et les allochtones1 dans le Collège.
Rencontre avec Gilbert Niquay
Qu'est-ce qui vous a motivé à devenir facilitateur à la vie étudiante autochtone au Collège Ahuntsic?
Tout d’abord, j’aimerais remercier Julie Gauthier, enseignante en anthropologie et responsable du projet Rencontres autochtones au Collège ! C’est elle qui m’a parlé du poste lors de ma présence au Colloque sur la persévérance et la réussite scolaire des Premiers Peuples, qui s’est tenu en octobre dernier. Lors de cet échange, elle m’a parlé des responsabilités, de la mission et des tâches en lien avec le poste de facilitateur à la communauté étudiante autochtone et c'est ce qui m'a motivé à vouloir relever ce nouveau défi. Je ne pensais pas qu’un jour j’aurais cette opportunité et j’étais heureux de constater qu’il y a des cégeps et des universités qui désirent contribuer à la réussite scolaire des Autochtones.
Lors de mes études au collégial, cela aurait fait une grande différence si j'avais eu la possibilité d'être accompagné, sur place, par une personne-ressource qui aurait tenu compte de la réalité des Autochtones. Mon parcours scolaire aurait certainement été beaucoup plus facile et je n'aurais probablement pas laissé tomber mes études pour quelque temps. Je désire donc être cette personne-ressource pour les étudiant(e)s autochtones qui en ont besoin. Je me suis aussi dit que j’aurais l’opportunité de pouvoir collaborer avec des gens qui travaillent dans différents services du Collège. Cela me permettra d’acquérir d'autres expériences professionnelles. Je suis content de pouvoir participer à ce projet et j’espère grandement que cela apportera des changements positifs.
Quels sont vos objectifs et les projets sur lesquels vous travaillerez à court et à long terme ?
Pour le moment nous sommes en train de travailler à la mise en place d’un local dédié aux étudiant(e)s autochtones. Cela leur permettra d’avoir un endroit pour se rencontrer afin de favoriser et de faciliter leur intégration au Collège. Nous souhaitons que ce lieu offre la possibilité aux étudiant(e)s d’organiser des projets ou des activités qui aideront à tisser des liens entre les Autochtones et les allochtones.
Pour la suite des choses, nous aimerions développer une structure dans laquelle les étudiants pourront bénéficier des services déjà offerts dans le Collège, tout en étant mieux adaptés à leurs besoins et à leurs réalités. Il n’est pas toujours évident pour une personne autochtone de quitter sa communauté pour aller faire des études supérieures. Je serai donc présent pour les soutenir et pour répondre à leurs besoins.
Nous désirons également poursuivre la démarche d'autochtonisation amorcée par Julie Gauthier et soutenue par le Collège. Nous croyons important de mettre en valeur les savoirs, les connaissances et les réalités autochtones afin d'améliorer les apprentissages de l'ensemble de la communauté du Collège Ahuntsic et ainsi de les revaloriser. Tout le monde peut bénéficier d'une meilleure connaissance des cultures autochtones.
Quelles sont les réalités vécues par les étudiant(e)s autochtones lors des études post-secondaires ?
Souvent, les étudiant(e)s autochtones qui arrivent dans les grandes villes sont confronté(e)s à de nombreux obstacles. Trouver un logement n’est pas évident pour quiconque et cela l'est encore moins lorsque tu es Autochtone. Même si nous sommes en 2019, il y a malheureusement encore de la discrimination dans la société québécoise. De plus, il y a tout ce qui touche l'intégration à un nouvel environnement qui est souvent difficile. Les étudiant(e)s peuvent se sentir désorienté(e)s lorsqu'ils se retrouvent dans un Collège de plus de 7 000 étudiants. Parfois, ils ne savent pas où aller chercher de l’aide en cas de difficultés.
Vous savez probablement qu’il y a plusieurs problèmes socioculturels et économiques dans les communautés autochtones au Québec. Il faut comprendre que l’étudiant(e) qui se rend jusqu'aux études post-secondaires a souvent traversé beaucoup d’obstacles. Par exemple, plusieurs étudiant(e)s autochtones ont une langue maternelle autre que le français. Lorsque ceux-ci se retrouvent aux études supérieures, cela est considéré comme un exploit et cela représente une grande réussite pour sa famille et sa communauté. Les jeunes qui arrivent directement des différentes communautés autochtones ont déjà des bagages de vie distincts et souvent lourds mais ils sont en plus confrontés aux mêmes réalités et aux mêmes problématiques que les autres étudiant(e)s.
Il ne faut pas oublier qu'il y a également des Autochtones qui ont vécu hors de leur communauté pendant une partie ou toute leur vie. C’est donc une belle occasion qui s'offre à eux de pouvoir se réapproprier leur identité culturelle en ayant des échanges avec d’autres personnes autochtones. À cet effet, nous souhaitons développer la sécurisation culturelle des étudiant(e)s autochtones, un concept qui a été développé chez les Maoris de la Nouvelle-Zélande, dans les années 90. Ce concept fait d'ailleurs partie du nouveau plan stratégique du Collège et n'est pas réservé qu'aux personnes autochtones. Tout le monde a le droit d'étudier dans un environnement sécuritaire.
Même s’il reste beaucoup à faire pour rétablir la relation entre les Autochtones et les allochtones au Canada, je trouve que ce qui se fait actuellement à Ahuntsic et dans d’autres institutions scolaires constitue déjà un pas dans la bonne direction, vers un rapprochement avec les peuples autochtones.
(1) Au Canada, on distingue parfois les personnes des Premières nations, Inuit ou du peuple Métis, que l'on nomme autochtones, et les personnes d'autres origines, que l'on nomme allochtones ou non-autochtones.
Photo: Francine Duquette